Photo: Noelle Grace

Comme le précise la CNIL, un dispositif de géolocalisation peut être installé dans des véhicules utilisés par des salariés, pour assurer, par exemple, la sécurité de l’employé, des marchandises ou des véhicules dont il a la charge et accessoirement, suivre le temps de travail, lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen. (Cnil.fr)

En revanche, ce dispositif de géolocalisation ne peut, en aucun cas, être utilisé, par exemple, pour contrôler un employé en permanence, ou pour calculer le temps de travail des salarié lorsqu’il existe déjà un autre dispositif, à cet effet.

Aussi, il est important de rappeler que, les instances représentatives du personnel doivent être informées ou consultées avant toute décision de mise en place d’un dispositif de géolocalisation dans les véhicules mis à la disposition des salariés. Les salariés doivent, également, être individuellement ou collectivement informés, de l’identité du responsable de traitement, des finalités poursuivies, de la durée de conservation des données, et de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL ; soit par la mise en place d’un avenant au contrat de travail ou de l’affichage d’une note de service.

Parmi les obligations que l’employeur doit accomplir, le système de géolocalisation doit être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur. (Cnil.fr)

Selon la CNIL, l’enregistrement en continu des données de géolocalisation des véhicules de salariés et la surveillance permanente des salariés par un système de vidéosurveillance sont manifestement excessifs et disproportionnés au regard des finalités poursuivies.

Récemment, par un arrêt en date du 14 février 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé ces principes et notamment, qu’un dispositif de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur que pour les finalités qui ont été déclarées auprès la CNIL et qui ont été portées à la connaissance des salariés.

En l’espèce, la Cour d’appel, en rejetant les demandes du salarié, au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et, au titre de l’illicéité des moyens de contrôle, a estimé que « le système de géolocalisation de la société employeuse était licite, comme respectant les exigences légales que dès lors que, s’agissant de conducteurs routiers, salariés itinérants qui ne disposaient pas d’une autonomie dans l’organisation de leur travail, l’employeur était légitime à recourir à ce système de géolocalisation afin de contrôler la durée du travail, ce qui ne pouvait être effectué par d’autres moyens de contrôle, et que le salarié ne pouvait invoquer un détournement de la finalité du sytème mis en place qui visait à suivre l’ensemble des chauffeurs routiers dans leurs déplacements. La sanction n’étant pas un objectif en soi, mais la conséquence d’un manquement du salarié à ses obligations contractuelles ».

Par ailleurs, selon la Cour d’appel, « les erreurs de manipulation reprochées au salarié consistant à enregistrer en temps de travail ou en disponibilité des heures de repos, ou à gonfler artificiellement la durée de certaines tâches, sont établies, au vu des pièces produites ».

Toutefois, la Cour de cassation n’est pas du même avais et a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au visa des dispositions de l’article L.1121-1 du Code du travail.

A savoir, que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

La Haute juridiction rappelle les principes déjà précisés par la CNIL à savoir, d’une part, que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n’est pas justifiée pour localiser le conducteur en dehors du temps de travail.

D’autre part, qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la CNIL, et portées à la connaissance des salariés.

Ainsi, la Cour de cassation reproche aux Juges du fond de ne pas avoir appliqué les principes pourtant déjà rappelés par la CNIL et par les précédentes décisions de justice.

En effet, les données recueillies au moyen du système de géolocalisation installé dans le véhicule conduit par le salarié, avaient pour seule finalité déclarée auprès de la CNIL et présentée au comité d’entreprise et soumise à l’information des salariés, le suivi des chauffeurs routiers dans leurs déplacements afin de localiser les marchandises sensibles et de permettre un meilleur choix en exploitation.

La Cour de cassation a relevé que les données collectées avaient été utilisées par l’employeur pour, d’une part, contrôler la durée du travail quand le véhicule était pourtant équipé d’un chronotachygraphe et, d’autre part, surveiller le salarié et contrôler en permanence sa localisation en couvrant les pauses et les périodes de repos, entrant alors dans la sphère de sa vie personnelle.

Par conséquent, pour la Haute juridiction, le moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite, aux motifs que l’employeur avait détourné de sa finalité le traitement des données personnelles issues de la géolocalisation et avait porté atteinte à la vie personnelle du salarié.

En somme, à l’origine le système de géolocalisation avait été installé, par l’employeur, pour seule finalité déclarée auprès de la CNIL, pour le suivi des chauffeurs routiers dans leurs déplacements. Or, les données recueillies au moyen de ce dispositif avaient été utilisées par l’employeur pour contrôler la durée du travail et surveiller le salarié en permanence, y compris pendant les pauses et les périodes de repos.

L’employeur avait, ainsi manqué à son obligation de loyauté, par ce détournement de finalité du système de géolocalisation et par l’atteinte portée à la vie privée du salarié.

(Cour de cassation, Chambre sociale, 14 fév. 2024 n°21-19802)

Dalila MADJID, Avocate au Barreau de Paris

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